Mon Pays, Illustration des Contes du Bois de Roz, par Scullo

Au Bois de Roz

Les Contes du Bois de Roz

Sep 23, 2015

Je me souviendrai longtemps, très longtemps de ce dimanche sept février. Pendant des jours, il avait plu, et ce matin là, la pluie avait cessé. C’était ma troisième saison de chasse.

La battue avait lieu au bois de Roz, sur les terres de Monsieur de la Peyrade. Ce nom évoque une autre époque, les premiers temps de notre arrivée à Limerzel.

Des arbres centenaires, la pierre grise du manoir contre le ciel bleu. Ces formes nouvelles, ici, pour l’oeil ; le mystère de ces lieux où je pénètrai pour la première fois. Quand je suis arrivé sur l’avenue, je me suis dit que posséder ces arbres, ces champs, cette vue unique donnait une autre conception de l’existence.

Savoir qu’en contrebas, derrière ce rideau d’arbres, il y avait le marais de Roz et sa queuenouille ; cette rivière parcourue, en juillet, en décembre, quand les mains sont gelées ; tant de joies éprouvées, d’attentes. Voir tous ces pigeons à portée de fusil, des bécasses alors qu’elles se font rares cette année. Je me suis avancé. De la terre humide, la brume montait, comme une haleine, une respiration. Et la voix des chiens, la clarté du jour, toutes les odeurs du bois donnaient la vie. Douce musique de l’existence ; j’ai senti ce matin là que tout pouvait arriver.

Au bout de l’allée, je pouvais deviner la tombe chouane dont m’avait parlé Philippe, mangée par la ronce. J’ai pensé à Lubert dans sa cache, à son refus, au serment. J’ai imaginé un instant ce qu’avait pu être la vie des hommes à cette époque, leur folie. Je savais qu’avaient été retrouvés divers objets dont un chapelet et imaginé que ce prêtre avait pu, contre tous, aidé par les gens du bois de Roz, se cacher là, tout près, dans le manoir, ajoutait à l’irréalité du moment.

Oui, ce ciel si clair, ces bruits ardents étaient tellement doux qu’ils en paraissaient irréels. Et toute la beauté de ce matin m’emplissait d’une grande tristesse parce que les efforts de l’homme sont dérisoires, que le putain d’été viendrait, qu’il faudrait tout recommencer.

D’abord une bécasse au-dessus de ma tête, dans le soleil. Puis, une autre. Ensuite, au bout de l’avenue transpercée des rayons du soleil, un lièvre levé par les chiens, et plus loin encore la silhouette ramassée de René Danion. Pauvre René qui sent la fin, qui lutte pour sa place au soleil des hommes.

Le froid piquait les pieds mais le soleil chauffait les corps et le coeur. La voix des chiens, les coups de feu. Philippe me hèle. Un renard git à ses pieds, un peu de sang mousse à sa gueule ; sacré tireur.

Ce matin là, les gens communiaient au même plaisir, sans le dire. Juste un peu de soleil dans le grand beau ciel et des arbres.

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