Ecrit par Laurent Maljan
Jean-Claude à la chasse: « Mais tires bon dieu! »
Vous connaissez « JC » ? Jean-Claude ! Mon voisin à Belle île, le pêcheur de baos, le chasseur de lapins ?
Et bien, figurez vous que je l’ai passé.
– Non ! Ce n’est pas possible !
– Et si ! J’ai passé le permis de chasse.
Et oui, à force d’écouter ce sacré Jean-Claude m’expliquer qu’un habitant de Belle Ile ne peut manquer une ouverture de chasse, j’ai tenté le fameux examen, organisé par la fédération des chasseurs du Morbihan.
Je suis donc passé sur le continent, en m’arrêtant à Quiberon déposer un colis chez la sœur de Jean-Claude, rapport à la succession de sa « chère maman », aimable personne, qui m’a demandé si « le frangin » allait bien.
Je vous le dis, ce n’est pas une formalité. Entre la grive mauvis et la draine, j’ai hésité. La sexualité débridée du lapin de garenne, et son régime alimentaire, m’ont également posé problème, mais ce n’était rien à côté du tir sur plateaux. Au cinquième plateau, j’ai fini par comprendre que la petite assiette, de couleur fluo, que j’avais d’abord pris pour une hallucination, était la cible. Mais c’était trop tard…
Est ce la mansuétude du jury ? Un besoin de cotisations pour une espèce en voie de disparition, je suis revenu sur mon île avec le fameux papier.
Jean-Claude m’a félicité, ma femme a souri, l’apprentissage allait commencer.
Mon mentor, je veux parler de Jean-Claude, avait décidé que je l’accompagnerai à l’ouverture. Il s’agit, me dit il, du grand jour des chasseurs.
Après des réunions préparatoires autour d’un verre, sans alcool comme vous savez, où il m’expliqua, avec force détails, la différence entre un lapin, un petit cul blanc, et, un lièvre, de grandes oreilles, avec cette phrase, pleine de poésie, sorte d’avertissement : « Si ça arrive, ferme ta gueule ! Faudrait pas se faire baiser ! » nous décidâmes que l’attaque aurait lieu du côté de Bortifaouen.
La veille, je ne trouvai pas le sommeil. N’avais je pas été présomptueux ? Se retrouver dans la nature, en tenue camouflée, avec entre les mains un fusil, « un manufrance » prêté par JC, ne relevait il pas de l’aventurisme ? N’étais je pas un imposteur, le pire des opportunistes ? Vouloir vivre sur une île, retourner à la nature en quelque sorte, en mangeant des tomates bios, et en mettant des graines dans la salade, sans oublier le miel au petit déjeuner, avec en plus la prétention de chasser, relevait d’une opération de manipulation. C’est ça ! J’étais une sorte d’agent double, de manipulateur machiavélique, tintin au pays des soviets.
« Faudra mettre dedans ! » m’a dit Jean-Claude. Que voulait il dire ? Etait ce une plaisanterie grivoise, un résumé de balistique élémentaire ? Je restai perplexe.
« Les lapins ! »
– Oui, les lapins ?
– Faudra pas les rater ! Ca court vite !
J’avais bien compris.
J’avais rendez vous chez Jean-Claude. J’ai poussé le portillon. Tout le monde m’attendait. Les amis de Jean-Claude, mes amis, un verre à la main. Et la compagnie bien sûr ! Capitaine, la brute, qui est venu me renifler; Poutine, une sorte de chef de meute, qui avait été privé de bateau le jour de la fameuse partie, et qui se coltinait avec ses voisins; la petite Sheila, une sorte de basset aux allures de pin up botoxée, rapport à ses babines pendantes, et à son pelage clairsemé. Je pris le verre de l’amitié, un petit gros-plant, qui grattait dur, et tous les soldats se dirigèrent vers les voitures dans un tonnerre d’aboiements. Les lapins allaient passer une sale journée.
Ce fut effectivement une rude journée, une journée mémorable, même pour un aventurier. Car embrasser sa femme le matin, sans savoir s’il s’agit d’un au revoir, ou d’un adieu, sachant l’incertitude qui s’attache aux pas du chasseur débutant, relève de la grande aventure.
« Mais tires bon dieu ! » C’est la phrase que j’entendis le plus souvent, et elle m’était destinée. Il est vrai que je ne tirai pas un coup de feu de la journée. Je vis pourtant des petites boules de poils me passer entre les jambes à plusieurs reprises. De jolies petites bêtes que je ne parvins pas à identifier, c’était trop rapide. Je vis bien que mes camarades riaient, rigolaient devrais je dire, malmenant ma qualité d’agent double mais je ne leur en tins pas rigueur, j’étais quand même en phase d’apprentissage.
Je fus même félicité puisqu’entendant par trois fois « attention c’est un lièvre ! », et que voyant un énorme lapin, de la taille de Sheila, à 5 mètres de ma personne, alors même que je levai mon fusil et visai, je restai coi.
Je vis alors mes camarades soulagés et souriants car me dirent ils, la voiture du garde venait de passer.
Oui ! C’était vraiment de la chance.
Devais je leur dire que mon coup n’était pas parti…j’avais oublié les cartouches, à vous de juger.
Et, vive la chasse !
Ecrit par Laurent Maljan
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