Chroniques et autres nouvelles
La tombe du Mexicain
Je vous invite aujourd’hui à un petit voyage dans le temps.
Vous avez emprunté la voie rapide entre Vannes et Ploërmel, et vous avez peut-être remarqué ce monument austère, en forme de donjon, qui rappelle les combats du maquis de la Nouette.
Le temps passe. La fréquentation du musée est en baisse. Un jour, personne ne se souviendra des combats de Saint Marcel.
Les morts n’existent que par les vivants, et quand ces vivants seront morts, ce sera fini. Vous passerez devant le monument du maquis sans savoir ce qu’il s’y est réellement passé. Tout le monde aura oublié ces combattants, parachutistes venus d’Angleterre, maquisards convaincus et improvisés, et anonymes fermiers qui eurent le tort de se trouver dans le périmètre de ce qui restera l’un des plus grands maquis de la seconde guerre mondiale au service de la plus grande opération militaire de tous les temps : le débarquement ou opération Overlord pour les puristes.
En effet, les alliés, mais en fait les américains et les anglais qui préparaient le débarquement, décidèrent qu’il fallait armer les maquis, en particulier ceux de Bretagne, qui pourraient, en fomentant des attentats, retenir les soldats allemands qui ne manqueraient pas de renforcer leurs troupes défendant le mur de l’atlantique. Il était même prévu d’organiser un débarquement entre l’embouchure de la Vilaine et le golfe du Morbihan ; les plages de Suscinio furent évoquées. Ainsi, il fut décidé dès 1943, de créer un maquis à Saint Marcel.
Le gamin qui ravitaillait les FFI présentes au camp de Saint Marcel, parce que la ferme de ses parents était établie à proximité, l’ignorait. Il n’avait pas connaissance des plans d’Eisenhower, seule lui importait, comme ses parents le lui avaient inculqué, la libération de la France. Et la venue de ces parachutistes, qu’il admirait, entrait dans ce cadre.
Je l’ignorais moi même, le monument du maquis devant lequel je passais sur la voie rapide à vive allure voulant simplement signifier que des hommes lors du dernier conflit mondial s’étaient opposés à l’occupant, jusqu’à ce que je découvre en chassant dans les bois de Montaigu sur la commune de P… un trou caché par la ronce mais suffisamment visible pour que je puisse constater qu’il était de la taille d’un homme allongé et qu’il ressemblait en fait à une tombe.
Je fus intrigué. Revenant au relais, j’interrogeai le plus ancien de mes camarades qui m’indiqua qu’il avait toujours connu ce « trou » qui, pour lui, remontait à la « dernière guerre ». Dans le pays, on l’appelait la « tombe du mexicain ». J’appris que le « Mexicain » était un traitre que les résistants obligèrent à creuser sa tombe mais il est dit également qu’il réussit à s’échapper.
Je savais que des combats avaient eu lieu dans les parages, opposant maquisards et soldats allemands, mais la découverte par hasard de ce trou grossier m’incita à faire quelques recherches.
Qui était le Mexicain ? S’agissait-t-il de l’un de ces miliciens zélés, les bourreaux de Keryhuel ou de Kerlanvaux ? S’agissait il de l’un de ces résistants passé à la délinquance de droit commun, l’un de ceux qui s’illustrèrent en attaquant les fermes isolées ?
Je commençai mon enquête.
J’interrogeai les gens du pays, fils et petits fils des acteurs de cette époque. Il me fut confirmé que le Mexicain, Diaz de son vrai nom, réfugié de la guerre d’Espagne, avait été recherché par les « vrais » résistants en vue de l’exécuter. Le dénommé Diaz qui aurait combattu dans les rangs républicains s’était fait engager dans la région comme commis de ferme au début des années quarante. Il appartenait à cette mouvance, née de la guerre d’Espagne et de la montée des périls en Europe, qui allait jeter sur les routes, jusqu’à son paroxysme, lors de la campagne de France, des flots de réfugiés. C’était un fêtard, disait on, qui tournait de ferme en ferme, et qui très tôt, familier des armes, intéressa la section du commandant de secteur. En effet, il fallait former ces jeunes hommes, pressés d’en découdre mais manquant de formation militaire. Il participa à des parachutages mais lorsque l’ordre fut donné, le premier juin 1944, de rejoindre le maquis, on perdit sa trace. Avait il combattu avec les SAS, personne n’était en mesure de me répondre.
Au matin du 18 juin 1944, le maquis, qui avait vu affluer des résistants de tous côtés les jours d’avant, comptait plusieurs centaines de combattants, qui étaient arrivés par vagues. Il était très facile pour un milicien, un traitre, de se fondre dans le dispositif de défense. Les hommes des différents bataillons se connaissaient ils ?
A 22 heures, c’est le décrochage. Le commandant Bourgoin, dit le « manchot », il a perdu un bras en Afrique du nord, a compris que les allemands ne cessent de se renforcer et que ses troupes ne tiendront pas longtemps. Bien plus, les Allemands n’ont pas cerné complètement le camp, la route de l’ouest est encore ouverte. Il est alors demandé aux hommes de rejoindre leurs maquis d’origine.
Dans la nuit, alors qu’un parachutiste fait sauter le dépôt de munitions, des centaines d’hommes en armes disparaissent dans la nature. Au matin, les Allemands commencent de pilonner les positions et d’avancer dans le dispositif de défense français. Ils comprennent très vite, et la chasse à l’homme commence.
Elle est menée par des supplétifs géorgiens et ukrainiens. Ces hommes n’ont rien à perdre. Alors que les troupes russes ont pris l’offensive et s’apprêtent à reconquérir leur pays d’origine, avec brutalité, en particulier à l’égard de ces familles qui ont fait le choix de l’occupant, ces hommes vont montrer un zèle dont les croix, les stèles érigées au bord des routes du Morbihan sont les témoins. Ils passent en colonne dans les communes de l’est du département, semant la terreur.
Cette terreur, celle que tu lis sur le visage de réfugiés ou de rescapés d’un massacre à la télévision, et qui te fait réagir, fut celle de tes pères. Ils ont vu ces longues colonnes motorisées avec ces hommes en armes, dans leurs yeux d’enfants.
Ps : Le récit que vous venez de lire et dont vous lirez la suite dans une prochaine parution s’inspire de faits historiques mais relève de la fiction.
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