Ecrit par Laurent Maljan
Ma première bécasse
Jeudi 22H00 :
Ma première bécasse, je l’ai tuée à Limerzel, en pays breton, dans le petit bois de Quatrevaux ; j’avais dix huit ans.
J’étais un mauvais élève, un mauvais étudiant et je cherchais un chemin, une raison d’espérer, et je venais de tuer une reine. Et cette reine d’un jour qui bougeait encore dans mes mains ouvertes, allait donner à ma vie un sens que j’ignorais.
Je me souviens l’avoir contemplée de longues minutes, admirant les couleurs de sa parure, et l’avoir posée contre ma joue afin de sentir sa chaleur.
Ce jour là, je fus le plus grand des imposteurs car je venais de ravir la vie d’un oiseau qui avait fait des milliers de kilomètres afin de fuir le froid pour rejoindre cette presqu’île baignée par l’océan atlantique, où elle avait rendez vous avec un mécréant.
Mais ce jour là, je découvris cette chasse extraordinaire, cette quête, ce silence, et je sus que c’était ce que je voulais.
Vendredi 21H30 :
Demain, c’est la première à Poncalleck. J’ai appelé Jacky le responsable de la chasse à la bécasse. Il y en aurait d’arrivées…Je lui ai demandé également le menu…
Samedi 19H30 :
C’est toujours un drôle de moment, que de passer des vertes pâtures de Belle île à la forêt d’automne. Tu entres dans un nouvel élément. Ce n’est plus la gentille promenade au bord de la mer mais un véritable combat qui se présente à toi. Il te faut affronter les ronces, enjamber les fougères encore hautes. Fini le beau ciel bleu, place à ces lourds nuages gris, menaçants, avec une petite lumière froide. Plus de bruyère mais ce tapis de feuilles, ces troncs moussus, ces petits sapins de croix raides comme des sentinelles ; finis les plateaux herbacées, place aux pentes, aux tourments de la rivière.
Après quelques minutes, tout rentre dans l’ordre. C’est le chien qui te vient en aide. Très vite, il retrouve ce rythme qui faisait ton admiration la saison passée. Au bout de quelques minutes, c’est le premier arrêt, parfois à vide, tant les nobles dames, en début de saison, aiment à se jouer du chasseur. Puis, alors que tu te dis que ce nouvel arrêt sera encore à blanc, c’est l’envol fracassant, à travers les branches, vers ce ciel gris. Tes plombs rattraperont ils la belle ?
J’ai fait une très belle ouverture, avec de la sueur, une bonne bruine, et des oiseaux. J’ai gravi les pentes abruptes de Poncalleck, et j’ai levé les jambes dans les ronces ; j’ai mouillé le maillot quoi ! La petite chienne, malgré le poids des ans, n’a rien perdu de son entrain. De beaux arrêts gagnants, un peu de chance, comme c’est souvent le cas à la chasse. Un bon repas où nous avons trinqué aux belles d’automne, alors que la rivière, à quelques mètres, grondait, et en repartant, une rencontre inattendue avec les bonnes sœurs, souriantes, à qui j’ai fait un petit salut.
Ecrit par Laurent Maljan
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